Charity Day
Mais la nuit n’est pas de tout repos. Vers 3h, mon voisin se lève pour remettre en place les bâtons qui supportent la toile, car notre tente est quasiment tombée. Je n’avais rien entendu avec mes boules Quies. Le vent s’est levé, et ne faiblit pas : des rafales violentes, accompagnées de sable. Il faut bien se couvrir pour ne pas en manger, du sable. Le muesli du matin va être croustillant aujourd’hui. Heureusement le vent s’atténuera après le départ de cette toute dernière étape. Et finalement on l’aura dans le dos sur une bonne partie du parcours.
Récupération de notre dernière bouteille d’eau, et du tee-shirt Unicef obligatoire à porter pour l’étape « charity » de ce samedi. On ne comprend pas bien le fonctionnement de cette étape mise en place depuis 2013. Elle est obligatoire, chronométrée, mais ne compte pas pour le classement. Par contre s’il y a des pénalités, elles sont quand même prises en compte pour le classement.

De toute façon, on n’a pas le choix. Le parcours de 17 km est un peu monotone, plat et presque tout droit jusqu’à l‘arrivée, à part une traversée de dunettes vers la fin. Mais cela permet à quelques familles et amis arrivés la veille de participer à la première partie de l’étape, ou simplement d’assister au passage des participants. Cela crée aussi une ambiance particulière, car beaucoup de participants se regroupent par équipe, ou par tente, pour terminer ensemble ce périple unique. Ce sera le cas de notre tente 63. On va alterner course et marche, et notre cheminement va nous permettre de mieux échanger et nous connaitre.

L'équipe de la tente 63. Tous arrivés !
Cette étape se passe dans la convivialité. Pour preuve la n°2 du classement féminin, Nathalie Mauclair (13e au général, et championne du monde de Trail) passe dans notre groupe et nous échangeons avec elle en courant quelques centaines de mètres ensemble. Elle reste lucide sur les motivations des participants comme elle l’a confié à un journaliste : « Il faut forcément un grain de folie, ou une recherche vraiment profonde de quelque chose au fond de soi-même pour accepter ces conditions». Nathalie va reprendre son travail dès le retour mardi matin, comme cadre infirmière. Ca se passe comme ça, chez MDS. On est loin des frasques des footballeurs ou des caprices des joueurs de tennis. Quand il n’y a pas de sommes indécentes en jeu, ça change tout…
Mais la symbolique de cette étape, c’est penser aux autres et assumer le thème du MDS de cette année « Partage et solidarité », auquel je souscris pleinement, car se sont exactement les valeurs que nous voulons promouvoir au travers de notre association. L’organisation a également créé en 2010 l’association « Solidarité Marathon des Sables ». L'objectif : développer des projets en faveur de l'enfance et des populations défavorisées dans les domaines de la santé, de l'éducation et du développement durable au Maroc. Cette année, avec d’autres associations, ils sont venus en aide au village de Jded, situé à proximité du parcours, avec la création d’un centre sportif pour 250 enfants, dont la première pierre sera posée le lendemain.
Nous arrivons tous les 8 la main dans la main sous l’arche. Aucun de ceux qui logeaient sous notre tente n’a abandonné. Et nous accédons à cette fameuse remise des médailles, par des bénévoles et le boss du MDS. Moment d’émotion, car il se mérite, ce bout de métal.
Chacun est ensuite dirigé vers les bus, encore vêtu de son tee-shirt Unicef et arborant fièrement sa médaille. Une vague bleue et or…
4 heures de bus plus tard, et après un pique-nique avalé dans le bus (ça nous change du lyophilisé…) nous voilà de nouveau à Ouarzazate, à l’hôtel. Le participant qui partage ma chambre pour les deux nuits, est arrivé depuis mercredi car il a abandonné dès la première étape, par manque de préparation comme il me le confie simplement et lucidement. Mais il prendra sa revanche l’année prochaine, c’est promis.
Après une semaine dans le désert, on avait oublié le moelleux d’un lit, le confort d’être assis sur une chaise, la fraîcheur d’une douche, et tout le reste… Redécouverte des choses simples de la vie.
Le repas du soir à l’hôtel est un vrai festin, et tout le monde se gave jusqu’au trop plein. J’ai besoin de rattraper les 3 ou 4 kilos que j’ai perdus dans les dunes marocaines.

Pour beaucoup, comme si une semaine de privations paraissait difficile à surmonter, c’est aussi l’occasion d’ingurgiter des boissons alcoolisées, quitte à ne pas être bien plus tard, ou à devoir prendre un médicament pour s’endormir ou calmer son mal-être le lendemain matin. Cela me surprend, pour des sportifs.
On s’approprie sans transition tout ce confort qui fait à nouveau notre quotidien : l’eau courante, un bon lit, une assiette bien remplie,… Cela nous semble tellement banal et légitime, qu’on en oublie souvent que des millions de personnes n’ont pas ces privilèges, et se battent chaque jour simplement pour survivre. Comme quoi on devrait plus souvent faire des coupures de ce genre. Cette semaine dans des conditions primaires, sans superflu, nous rappelle que nous avons une responsabilité envers ceux qui ont moins que nous.
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