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Marathon Man

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“J’ai toujours aimé le désert. On s’assoit sur une dune de sable. On ne voit rien. On n’entend rien. Et cependant quelque chose rayonne en silence…”   Antoine de Saint Exupéry

Le vendredi c’est la dernière étape qui compte pour le classement : 42,2 km, la distance d’un vrai marathon.
Le rituel du matin devient une habitude. Et je réalise que c’est déjà bientôt la fin ! Elle passe vraiment vite, cette semaine finalement. Aujourd’hui le départ est fixé à 7h pour le gros du peloton. Mais pour les 200 premiers, ce sera  8h30. Quelques moments de répit pour ne pas se retrouver dans le flot des coureurs. De notre tente, 4 en feront partie. Un bon pourcentage.

Mais on va se lever et il ne fera même pas jour. Quelle vie !

Avant-dernier briefing. Liste des abandons, infos du jour. Et toujours la même musique…
Je me sens bien en forme, pas de douleurs, le sac a perdu quasiment la moitié de son poids. C’est peut-être mon jour ?
Je démarre en courant, et n’arrête pas jusqu’au CP1. Après une pause rapide, je reprend en courant. Et si je finissais en courant ? Effectivement, ce sera non-stop jusqu’au bivouac, avec de courts arrêts, contrairement à mon habitude, aux points de distribution d’eau. Sable, cailloux, piste, rien ne me résiste aujourd’hui. J’avance, je fonce, je double. Bon, je me fais quand même rattraper par les premiers, partis 90 minutes plus tard. Mais je me sens en pleine forme, même si c’est la dernière longue étape. L’aspect négatif c’est que j’ai moins de temps pour les photos. On ne peut pas tout faire : avancer ou shooter, il faut choisir. Mais mon rythme ne faiblit pas, et je bats mes records de la semaine, malgré le sable et les dunes. Finalement, on s’habitue à courir sur le sable. Et les CP arrivent plus vite. J’aurais du faire ça depuis le début… Mais je préférais garder de la réserve pour ne pas m’exploser. Il y a une vie après le Marathon des Sables.

Au CP2, je croise Malika, que j’avais rencontrée lors de ma visite chez le dentiste.

malika047
marc en course


Et tout d’un coup, au détour d’une dune, avant la petite descente, je l’aperçois. Il est là, au bout de cette plaine. Il nous attend. L’espoir ultime de ce marathon. Le dernier bivouac. L’émotion me prend, mes joues se mouillent non pas de sueur, mais de larmes, vites séchées par le soleil, comme s’il voulait me faire oublier tous les efforts de ces derniers jours…

Je vais y arriver ! Je l’ai fait !  L’étape de demain ne sera qu’une formalité.

Je m’enfonce avec délectation dans le sable pour descendre à fond cette dernière petite dune. On voit le bivouac, avec ses tentes blanches et ses tentes noires. Il est encore loin, mais ce n’est pas un mirage. Nous touchons au but, après cette semaine d’efforts que certains qualifieraient de surhumains, voire d’inutiles. 

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Le bivouac vu du ciel  © MDS


Plus que 5 km. Je cours, porté par l’espoir du thé qui m’attend.

Plus de 4 km. La tension monte, attention à la chute.

Plus de 3 km. Et si je n’arrivais pas à tenir mon rythme ?

Plus que 2 km. On aperçoit l’arche qui nous tend ses bras posés par terre, pour nous engloutir dans le bonheur du rêve accompli.

Plus que 1 km. Le nirvana au bout du chemin. L’aboutissement d‘une année de préparation, de choix de vie, de sacrifices, et d’un planning bouleversé. Merci à mon épouse d’avoir supporté mes absences répétées, le matin, le soir, le week-end, d’avoir accepté le retard des travaux de la maison (mais ils m’attendent encore au retour…), d’avoir contribué à ma bonne alimentation et de soutenir à fond la démarche solidaire. 

Plus que 30m. Voilà, la fin « officieuse » de ce marathon. 

0 m. Arrivée à Bou Makhlouf. Ca y est, mission accomplie ! Petit détour vers la webcam, si jamais quelqu’un regardait… Reste le plus dur de la journée : ramener ses bouteilles d’eau à la tente…

Le thé a encore plus de saveur ce soir. La saveur de la victoire, du dépassement de soi, de la solidarité, de la satisfaction d’un rêve accompli. C’est la première fois que j’arrive si tôt au bivouac. Cela me laisse le temps de me reposer, de me promener.

Mes yeux ont du mal a supporter la lumière ambiante : je vois le paysage qui défile à vitesse TGV, me rappelant que je suis bien revenu, que je rentre, et qu’une autre vie va devoir reprendre.  On est pas encore arrivés ? Alors je me lève pour dégourdir mes jambes. Ici, plus besoin de mettre les tongs, ou de garder la casquette : j’ai retrouvé le soleil sans éclat de ce mois d’avril français, et le vent ne souffle pas dans le TGV. Je reviens à mon siège et reprends le cours de mon histoire… J’espère que mon visage ne laisse pas trop passer d’expressions bizarres. Les autres passagers pourraient se demander à quoi je rêve comme ça les yeux fermés.

On nous annonce tout un programme pour la soirée : remise des prix, concert, film, distribution de bière et canette rouge. Ca commence par cette remise des prix, alors que le « marathon » n’est pas vraiment fini. Une bizarrerie de ce MDS. Ca n’en finit pas. Les organisateurs veulent faire monter tous les sponsors sur scène, l’un après l’autre. Je vais m’allonger sous la tente de la réception, où j’entends ce qui se passe grâce à la sono; ça va durer près de deux heures : vraiment long et pas toujours intéressant. Je suis étonné que certains aient envie de rester debout pendant tant de temps après avoir couru dans le désert toute la journée sous le soleil.

Petit divertissement avec le concert d’un groupe pop/rock.

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Et la rumeur qui circule c’est qu’il va y avoir une distribution de boissons, dont de la bière. Il n’en fallait pas plus pour rassembler les foules et créer une attente incroyable pour ces quelques centilitres de cervoise. A croire que beaucoup sont en manque. Cette affaire va quasiment tourner à l’émeute, certains faisant la queue depuis un moment pour être les premiers, dans la nuit, sous l’oeil médusé des bénévoles qui ne semblent pas comprendre ce qui se trame. Finalement, il s’avère qu’aucune distribution de la boisson au houblon n’est prévue, et c’est le grand chef lui-même, assez en colère parait-il, qui devra ramener le calme. Qui a intérêt à faire circuler une telle rumeur ? Peut-être quelques coureurs du « pays des pubs »… Les britanniques sont d’ailleurs les plus nombreux sur cette course, et le délai d’attente de 2 ans nécessaire à leur inscription n’a pas l’air de les refroidir.
En tous cas cet incident est significatif de l’état dans lequel se trouvent certains concurrents : ils n’hésitent pas à rester debout en pleine nuit, fatigués, les pieds avec parfois parfois la chair à vif, ne prenant plus en considération leur voisin, pour quelques gouttes d’un breuvage alcoolisé. Finalement, c’est une canette rouge qui arrive pour tous. Quelqu’un de notre tente va se dévouer pour les chercher pour la plupart. Merci Sophie. Elle ne m’aurait pas manqué de toute façon.

La soirée va se terminer par la projection de séquences vidéos enregistrées les jours précédents sur le parcours, après plusieurs tentatives infructueuses pour faire tenir debout un écran géant gonflable. C’était parti d’une bonne intention, mais je renonce à cette animation : pourquoi rester debout dans le vent, alors que nous pourrons voir toutes ces images sur internet dans quelques jours ?

Il est temps de rejoindre ceux qui sont déjà couchés. 


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