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Le Blog : Carnet de route

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Jambo !  Bonjour !
(comme on dit en Tanzanie)

Installez-vous tranquillement dans votre fauteuil, éteignez la télé, et envolez-vous pour quelques instants loin du climat européen pour vous baigner dans la chaleur africaine. Vous allez découvrir :

- La difficile ascension au sommet, dans le doute mais la persévérance, accompagné par la légende du Kilimandjaro (321 ascensions)
- les chutes qui ont failli compromettre la suite du programme
- les 2 jours de vélo du Kiliman : un supplice mais du bonheur...
- le marathon le plus populaire de Tanzanie, la fête pour tous
- les 8 jours de vélo qui m'ont donné l'impression d'être parti 6 mois : interdit de bivouac pour cause de lions qui rodent cherchant leur repas, attaqué par les fourmis, un "diner à la chandelle" dans l'Afrique profonde, perdu au milieu du bush par 43°,  seul au milieu des zèbres, une nuit dans l'enclos des chèvres, accueil chez les Massai, etc.

22 jours de récits
(pour accéder à toutes les journées, cliquez sur une date soulignée ci-dessous)


Quelques jours avant...

Très belle soirée pour lancer officiellement l'aventure 2014. Les amis et la famille sont présents pour m'encourager durant ces dernières heures.

Des sentiments mêlées face à ce nouveau défi dans un pays inconnu. 
La préparation a été un peu compliquée, avec le périple d'une semaine à vélo qui s'est rajouté. Il a fallu remettre à jour l'équipement. Avec test du matériel : entre autres, la nouvelle tente, inaugurée dans le jardin. Dommage, il ne faisait pas assez froid pour être dans les conditions réelles. Il n'y a plus d'hiver !
Test du filtre à eau et pastilles de purification. 3 jours à l'eau de la piscine et de l'arrosoir. Pas de soucis…

MERCREDI, jour de départ


JOUR 1 : LYON-AMSTERDAM / 1 H 45 / 734 km

Un peu de stress durant ces dernières journées, dans la crainte de ne pas arriver au bout de ce qui était prévu avant de s'envoler, en termes de préparation, dossiers à finir, et entrainement. Et c'est ce qui s'est passé. Mais pas de conséquences graves, heureusement. 

Dernier jogging ce matin à 6h, histoire de ne pas laisser les muscles oublier comment il faut faire en course à pied. Ils n'ont pas beaucoup de mémoire, vous savez. Et de plus ils la perdent avec l'âge : c'est mon médecin qui me l'a dit. Alors plus on vieillit, plus il faut se rappeler à leur souvenir. Quand je suis revenu d'Arménie, après avoir arrêté la course à pied pendant plus de trois mois, la reprise a été difficile. La première sorite - à peine 3/4h en courant et marchant - m'a presque empêché de marcher pendant trois jours.

Encore un dernier rendez-vous media à l'aéroport de Lyon, avec une interview programmée pour Phare FM.

Après mes aventures à La Réunion et dans le Caucase, me voici aujourd'hui en partance pour l'Afrique. Vous allez découvrir les moments de bonheur que j'ai vécus, mais aussi les moments de douleurs, quand j'ai failli abandonner, et comment j'ai réussi à aller au delà de mes limites et de mes souffrances. 

Mais avant de partir dans le grand sud, il fallait remonter au Nord, en Hollande. L'avion prend parfois des voies détournées pour arriver au but, comme parfois les événements de la vie. La différence c'est que dans la vie, on ne le sait pas toujours à l'avance.

Une fois dans l'avion je réalise enfin que c'est vraiment le début. La pression retombe, et tous ces derniers mois repassent en vitesse rapide dans mon cerveau. Cela va faire ma troisième grande aventure, cette fois ci sans ma femme. Les autres fois elle a été présente, mais n'a pas participé. Mais elle est toujours là en soutien.

Je peux enfin commencer à entrer dans mon personnage d'aventurier, ma deuxième vie depuis quelques années. Rien ne me prédestinait à ça. La vie est peut-être un peu mal faite, dans le sens ou on devrait pouvoir profiter de ce genre d'activité quand on est plus jeune, en pleine forme, et plein d'énergie. Mais chacun a ses priorités et ses contraintes. Avoir des enfants à 50 ans serait plus compliqué. Il faudrait inventer un système pour prendre une partie de sa retraite en début de vie, et travailler plus à la fin. Puisqu'on vit plus longtemps maintenant. Peut-être un programme à proposer aux politiques ? 

Je ne regrette pas tout ce que j'ai vécu jusqu'à présent, bien au contraire. Il faut savoir faire des choix et gérer les étapes de l'existence. Et ne pas s'arc-bouter dans des principes et positions que l'on croit vérités éternelles, et qui s'effritent dans certaines circonstances suivant l'histoire que nous vivons. Mais nous avons aussi besoin de certitudes éternelles, en tous cas j'en ai besoin.

Arrivée à Amsterdam dans cet énorme aéroport de Schipol. A l'arrêt du bus, je demande à une jeune fille si l'on peut prendre le ticket à l'intérieur. Et là elle me propose un ticket gratuit dont elle n'a pas besoin. Ca commence bien.

Après 30 minutes dans la nuit hollandaise, me voilà arrivé à destination, puisque ce soir je suis hébergé par des WarmShowers. Il ne reste plus qu'à trouver l'adresse. Tout cette ambiance et cette architecture - que l'on retrouve dans toute la Hollande - me rappelle mes nombreux voyages effectués dans ce pays pour des raisons professionnelles. Les hollandais sont sympathiques, mais parfois rigides et stricts (en  tous cas chez eux). Mais efficaces. Il ne faut pas oublier qu'ils ont comme voisins les allemands. 

Et là, à toute heure du jour ou de la nuit, il y a des vélos. Tous les mêmes. Tous un peu tristes et sérieux quand même. Comme l'austérité de leurs utilisateurs. Des vélos partout, dans l'attente impatiente de leur propriétaire qui va les enfourcher, d'autres se déplaçant, et d'autres abandonnés.

C'est toujours surprenant de voir un peuple à vélo, du plus jeune au plus ainé. D'accord, on peut leur accorder le fait qu'il n'y a pas beaucoup de montagnes chez eux.  Mais la moyenne parcourue par année par un français est 10 fois moins importante que celle d'un hollandais.

Le couple chez qui je loge a déjà parcouru de nombreux pays à vélo depuis une quinzaine d'années. Et lui a 69 ans..! Je lui en aurai donné 50. Il va tous les jours à la piscine, se déplace en vélo, et fait de la gym à la maison. Un accueil très chaleureux. C'est l'occasion d'échanger sur nos expériences et nos parcours.




JEUDI

JOUR 2  : AMSTERDAM - KILIMANDJARO / 8H 30 / 6900 km

Après un vol sans histoire je débarque à l'aéroport Kilimandjaro en Tanzanie, sur ce continent qui m’a vu naitre. Je retrouve mon vélo et tous mes bagages, apparemment en bon état. C'est déjà un énorme soulagement...

Mais deux surprises m'attendent…

- La première c’est que nous ne serons que 3 concurrents pour le Kiliman, ce triathlon un peu spécial du Kilimandjaro. Un couple de Nouvelle Zélande et moi. Je ne sais pas encore si c'est un avantage ou un inconvénient. ( Je pressentais qu'il y avait un souci à ce niveau, vu les relations avec l'agence.
- La deuxième surprise, c’est qu’il a plu tous les jours cette semaine. Les routes sont mouillées. Nous sommes en février, et normalement c'est un des mois les plus secs, et la saison des pluies commence vers mi-mars. Les tanzaniens ont été surpris par ce changement inhabituel. Décidément tout se dérègle partout. Je crois que nous en sommes tous un peu responsables quand même.



VENDREDI

JOUR 3  : Moshi - Moshi

Le lendemain je me réveille dans un état semi conscient et je vois le jour à travers une moustiquaire. Je mets quelques minutes pour réaliser pleinement où je me trouve.  Je sors alors pour un jogging matinal, petit dérouillage après ce long voyage. J'aime beaucoup courir le matin, à jeun, quand la vie s'éveille. Les rencontres, les odeurs et le paysage ne sont pas les mêmes. Je me sens tout de suite à l’aise dans ces premiers contacts avec la vie Tanzanienne. J’aime l’Afrique. Et voilà que s’offre devant moi la première vision de ce géant qui nous défie à distance. Impressionnant.

Je croise des d'enfants qui vont à l'école, habillés en pull bleu et chemise. Beaucoup portent des morceaux de bois, sûrement pour le feu de cuisson du repas de midi, d'autres leur gourde d'eau. Plusieurs me saluent "Morning, Hello », et j'entends un nouveau mot : « Jambo » je suppose que c'est bonjour dans la langue locale.

Je suis surpris d'en voir certains vêtus d’anoraks ou de pulls, malgré la douce température. Il fait quand même 20 à 30° dans la journée. Mais avec la pluie qui est tombée ces derniers jours, le thermomètre a chuté, et ils ont froid…
Un peu plus tard, je vais ranger mes affaires, participer au briefing du Kiliman, et visiter un peu la ville de Moshi. 

En revenant, je vais remonter mon vélo, un peu démonté pour le voyage, et faire un petit tour pour le tester. Et là, c'est comme si je revivais. Cette sensation d'être sur ce vélo en Afrique, avec tous ces gens qui me saluent au passage, je me sens comme porté. Je ressens un bonheur intense à partir en voyage, et souvent quand je me m’allonge sur mon vélo, c’est comme un appel à partir, à m’éloigner du quotidien et à vivre une nouvelle aventure.  Je regrette presque de devoir attendre encore 10 jours avant de débuter mon périple en solo. 




SAMEDI

JOUR 4 : 5H / D+1200M / MACHAME HUT 3000m

Avant de partir ce matin, je voulais essayer de mettre quelques mots sur le blog. Et voilà que je ne retrouve plus mon ordinateur…
En fait je l'avais oublié à la table au restaurant de l'hotel hier soir… Je devais être vraiment fatigué !

C'est le jour du départ pour la première étape de l'aventure Kiliman, tant espérée mais aussi un peu redoutée. Dans quelques minutes, direction le premier camp de base pour attaquer l’ascension par la voie Machame, la plus difficile parait-il, mais la plus magnifique. Nous sommes prêts et tout excités. Voir impatients de nous retrouver sur le toit de l'Afrique, si on y arrive. Nous ne sommes pas les seuls, il risque même d'y avoir du monde, même si nous sommes le dernier groupe de la saison.

Direction Machame Gate en minibus, à 1800 m d’altitude. Nous traversons des villages qui voient certainement passer à longueur d'années ces touristes, fortunés à leurs yeux. On est toujours le riche de quelqu'un. Je me sens un peu gêné de venir pour simplement faire une balade, alors qu'eux sont là dans la vraie vie dans des conditions souvent difficiles. 

Comme disait Charles Birch, « Il faudrait que les riches vivent plus simplement, pour que les pauvres puissent simplement vivre ».

En pleine saison il peut y avoir plusieurs centaines de personnes qui partent sur cette voie dans la journée. L'aventure perd un peu de son charme avec toute cette foule de touristes.

Parmi ceux qui viennent relever le défi, les pays les plus représentés sont les Etats-Unis, le Royaume Uni, l’Allemagne et le Canada. Beaucoup d’asiatiques et de russes également.

Chaque porteur a le droit de prendre 12 kgs des affaires du client, plus 8 kgs d’effets  personnels et de bivouac. Dans des sacs parfois d'un autre âge.

Nous attaquons directement le sentier pour nous élancer à l’assaut du géant. Depuis 1977, Le Kilimandjaro est un parc national. Il est donc protégé. Avant, les tribus locales venaient y chercher du bois, et tuer les animaux pour leur subsistance. En conséquence il n'y a plus beaucoup d'animaux sur la montagne elle-même. Il y reste quand même 140 espèces de mammifères, et 180 sortes d’oiseaux. Mais la flore reste très riche, avec des espèces endémiques. Elle est surtout présente, dans la zone forestière jusqu’à 2700 m, assez humide, dominée par les grands arbres. On y trouve des orchidées, des impatiences, et la célèbre fleur d’éléphant. Ces fleurs s’épanouissent dans différents types de forêts aux noms évocateurs : sèche, pluviale, mais aussi la forêt de brouillard et la forêt de nuage.

Après un peu plus de 5h de marche et 1200m de dénivelé, nous atteignons notre premier campement « Machame Hut » à 3000 m.



DIMANCHE

JOUR 5 : 5h45 / D+ 900  /Shira Camp : 3840m

Le lendemain, après un réveil matinal, et la découverte d’un petit-déjeuner inhabituel, nous repartons, à peine éprouvés par le trajet de la veille. Dans la montée nous dépassons un groupe déjà croisé hier. Ils ont vécu très difficilement ce début d’ascension, alors que pour nous c’était une petite balade… Je me demande comment va être la suite pour eux...

Ce trek peut se faire par tous les temps, sous la neige ou sous la pluie. Mais en tout dernier recours c’est le guide qui décide de continuer ou non. A l'époque ou tout le matériel technique actuel n’existait pas, la montée était jalonnée par les arrêts dans les grottes, pour s’abriter, pour préparer à manger, pour dormir. Aujourd’hui c'est interdit.

Apeles, c'est notre guide-assistant, son métier depuis 3 ans. Auparavant il a été porteur pendant 5 ans. L’année prochaine il veut passer l'examen pour devenir guide. Pour lui ce travail est toute sa vie. Cet environnement dans la montagne est « son bureau », comme il aime à le dire. Et son rêve, c'est de monter sa propre agence de trekking.

Après 6 h de marche et 900 m de dénivelé, nous atteignons le camp Shira pour la nuit. Nous faisons une escapade d’une heure pour aller admirer le paysage du plateau.

A ce niveau, plus d’arbres mais de la lande à bruyères, sur une terre froide et acide jusque vers 4000 m.



LUNDI

JOUR 6 :  / D+ 1000m / Barranco Camp : 3950m

Après la forêt, c'est maintenant la marche dans les cailloux. Des gros, des petits, des moyens. C’est là qu’on se rend compte que c’est vraiment un volcan, qui de plus n’est pas complètement éteint. Il faut retrouver son chemin au travers de ces masses. Heureusement les guides sont là, impossible de se perdre, tout le monde les suit. Des rochers à perte de vue. Et en fond toujours cette masse énorme, gigantesque, imposante du sommet Kibo qui nous toise, qui nous rappelle que l'on est rien, et vraiment des fourmis face à ces 5900 m. Rien dans le temps et dans l’espace. 

Voici notre chef guide, Julias. 25 ans qu’il fait ce métier, et 321 ascensions à son actif quand même ! Nous avons de la chance, nous sommes accompagnés par la légende du Kilimandjaro. Il espère continuer jusqu’à 60 ans. Son meilleur souvenir : être resté pendant 30 jours au sommet avec 18 scientifiques, pour étudier la fonte des neiges éternelles. Ils ont ensuite descendu 15 tonnes de glace avec 200 porteurs. Hors saison, il s’occupe de sa ferme et de ses cultures : du café et des bananes.

Aujourd’hui nous campons quasiment à la même hauteur que celle du départ, mais en étant passé à 4500 m dans la journée.








MARDI

JOUR 7 : Barranco Camp 3950 m /Barafu Camp : 4450m

Tous les matins, les cuisiniers et porteurs sont levés bien avant nous, pour tout préparer et tout remballer. Et même s’ils partent après nous, ils  nous dépassent pendant le trajet afin d’installer le campement dans les temps avant notre arrivée. C’est une drôle d’impression être assisté par 15 personnes, et de n’avoir rien à faire.

Toute cette longue lignée de porteurs chargés, se forme, s’étale, comme une grande colonie de fourmis. Chacun à son rythme.

Comme pour les fourmis, tout est organisé, planifié, chacun à son rôle : porteur cuisinier, monteur, serveur, etc. Et ça recommence tous les jours, toutes les semaines, tous les mois pour eux. C’est impressionnant, la capacité qu’ils ont à endurer ces marches avec de lourdes charges, pour 7 euros par jour, à cette altitude. Et quand on voit parfois comment ils sont équipés, on se demande comment il n’y a pas plus d’accidents. 

Dans le dernier camp, il y a un cordonnier à disposition des porteurs. Ils en ont bien besoin parfois…

Ce matin-là nous démarrons par la partie la plus délicate du circuit, une paroi rocheuse à escalader, le mur de Baranco, à pic, d’où d’ailleurs un porteur d’un autre groupe va tomber le lendemain. 

Après un arrêt à midi au camp Karanga, nous atteignons notre dernier camp avant l’assaut final. 



MERCREDI

JOUR 8 : Barafu Camp 4450 m /Uhuru Peak/ Mweka Camp : 5895/3100

La nuit de tous les défis. Après un réveil à 23h00, et un petit déjeuner à 23h30, le départ se fait à minuit. Officiellement pour assister au lever du soleil. Officieusement pour que les touristes ne voient pas de leurs yeux l’ampleur de la difficulté…
Dès le départ, je sens que ça va être une journée particulière. Déjà la courte nuit a été agitée, peu de sommeil, quelques troubles intestinaux qui m’ont obligé à sortir deux fois de la tente, dans le froid et le vent, à 4500m. 

Vision étrange à minuit de voir comme une chenille de lumières semblant partir à l'assaut des étoiles dans la nuit silencieuse, mais égayée ponctuellement par les chants en swahili des porteurs, pour motiver les troupes. Une ambiance magique, voir irréelle. Nous nous intégrons tranquillement dans cette file indienne qui avance, avec l'espoir d'atteindre ce plus haut sommet qui va nous mener jusqu'à la grande lumière du lever du soleil, objectif de la matinée. Nous ne sommes pas pressés, il faut s'acclimater. Le guide a prévu un rythme de un kilomètre par heure. 6h d'ascension  6 km "polé-polé" (doucement, doucement), comme ils aiment à le répéter, probablement les 6k les plus durs de ma vie, pour 1500 m de dénivelé. Nous allons dépasser des groupes à moitié conscients qui n'atteindront pas le sommet.

L'ascension devient vite un calvaire. Dans le noir je titube, je m’accroche aux rochers, j’ai envie de m’arrêter, voir de redescendre. C’est encore plus dur que la Diagonale des Fous.  Et je vais devoir faire une pause plusieurs fois pour des besoins naturels. Quand on a 4 couches de vêtements en bas, 7 couches en haut, et qu’il y a de plus un vent terrible avec probablement un froid à -10°, ça devient un peu compliqué pour se soulager dans la nuit noire…

Et le guide qui n’arrête pas de nous dire : il faut boire, il faut boire. Mais comment on fait quand l’eau est complètement gelée, dans les gourdes, dans le sac, dans le tuyau ?

Le mal des montagnes. Je m’y était préparé, mais on ne peut rien y faire. Nous sommes tous inégaux devant ces effets imprévisibles. C’est peut-être la vengeance de la montagne. C’est peut être sa manière de nous faire sentir qu’on vient la déranger, troubler sa tranquillité, et elle frappe au hasard.  Prétextant le lever du soleil, je m’arrête un moment pour prendre des photos. Le redémarrage sera une victoire sur moi-même.  J’arrive enfin dans les derniers à Stella Point. (5500 m). 

Mais je me suis engagé dans cette aventure, et je veux aller jusqu’au bout. Beaucoup de gens comptent sur moi. Je ne veux pas les décevoir.

Plus qu’une heure. Alepes, le guide, est resté seul avec moi tout le long, et m’a encouragé en permanence.  Je ne sais pas si j’y serais arrivé sans lui. Une grande leçon de vie : Il a été un encouragement permanent à mes cotés, pas une parole négative, pas de complainte. Il m'a attendu calmement, et réconforté par son soutien moral. Et dans la descente, quand j'étais fatigué, il a pris mon sac, il a porté ma charge, il a pris ce qui me retenait pour avancer, pour me libérer.
Merci Alepes.

Finalement, je l’atteins ce fameux sommet Uhuru Peak. J’arrive à peine à le voir car les larmes me remplissent les yeux. Je ne peux plus parler, et nous avançons en silence dans cette explosion de lumière du soleil levant, décuplée par le blanc éclatant et scintillant des glaciers. Nous l’avons quand même vaincue cette montagne. De toute façon je suis tellement pris par l’émotion que les mots me manquent. J’essaie de la cacher à Alepes. Par pudeur ou par fierté, je ne sais pas. Mais il n’est pas dupe et respecte discrètement l’expérience intérieure que je vis. 

Je suis complètement abasourdi de réaliser ce rêve, et d’avoir pu dépasser toutes les difficultés. C’était mon premier objectif, et j’y suis arrivé. 

Mais il ne faut malheureusement pas  rester trop longtemps là-haut. J’aurais bien passé la journée simplement à me délecter du paysage, à emmagasiner toutes ces images sublimes ailleurs que dans la carte mémoire de mon appareil, à me nourrir de ces couleurs, à ne faire plus qu’un avec ces montagnes majestueuses, à savourer l’étendue de ce ciel (bleu explosif)  libéré de ses nuages au sommet, à vivre ce jour comme si c’était le dernier. 

Mais il faut redescendre au plus vite. Je suis quand même très fatigué. Pas tellement par l’effort physique, mais surtout par le manque d’oxygène, et par mes problèmes intestinaux.

A un moment le guide me dit de prendre mes 2 bâtons, mais je n’en ai pas trop envie. Je n’ai pas l'habitude de prendre les bâtons en descente. Nous courrons dans le pierrier, à bout de souffle, et dans un moment d’inattention mon bâton se coince entre deux roches. Je chute : résultat, le pouce gauche complètement éraflé et un gros choc sous les fesses, car je me suis écrasé sur un rocher. 

Je n’imaginais pas toutes les conséquences que ces quelques secondes qui me semblaient anodines allaient avoir pour toute la suite de l’aventure.

Les porteurs présents ont essayé de nettoyer la plaie du pouce avec le peu de matériel qu'ils avaient. A l’arrivée au camp, c’est le cuisinier qui va m’aider à traiter la blessure.. Puis je vais m’allonger, complètement épuisé par ces efforts et par mes problèmes de transit. Même pas envie de manger. Je ne sais pas du tout comment je vais faire pour repartir… Mais nous n’avons pas le choix. Pas d’hélicoptère à cette hauteur, et s’il faut prendre l’ambulance, comme ils l’appellent, c’est peut-être pire..

Alors nous rangeons nos affaires et repartons jusqu’au Camp Mweka pour la nuit. Au total 15 heures de marche, 1500 m de dénivelé positif, 2800 de négatif. Quelle journée ! 















JEUDI

JOUR 9 : 27 Mweka Camp 3100 /Mweka Gate : 1800

Le matin, après les traditionnelles cérémonies d’adieu pour toutes les équipes, nous repartons tranquillement pour atteindre l’endroit ou le minibus nous attend, pour nous ramener à l'hotel. Et dans cette descente, fragilisé par mes aventures de la veille,  je vais encore chuter, en m’abimant la cuisse et le genou. Je vais faire toute la suite en boîtant. Je commence à me demander comment va se passer le marathon dans deux jours… De plus, le lendemain, j’aurais un problème de tendinite, du fait d’avoir forcé sur une jambe pour soulager les douleurs de l'autre…








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