Aventures précédentes
2013 : Suisse
Les Chroniques de Marc en voyage
Un jour comme les autres en ce mois de Juin. Le 1er. Mais on se demande si on est vraiment en Juin ou si cette année le ciel traine à changer de saison. Peut-être pour se venger de ce que nous lui faisons subir. Quoiqu'il en soit, je n'ai pas le choix. Mon voyage de chez moi jusqu'à Belfort, en passant par la Suisse, était de toute façon prévu, et on ne choisit pas la météo. Alors ce n'est pas la peine de se lamenter, car cela ne change absolument rien. Autant s'éviter de voir la vie en gris. Magnifique périple, agrémenté de rencontres improbables et enrichissantes. Je reste ébahi devant ces personnes qui se trouvent sur ma route et qui embellissent ces voyages. Et une dernière nuit folle et mémorable… Une nouvelle expérience.
Il y avait plusieurs objectifs à ce nouveau voyage : raconter mes aventures si j'en avais l'opportunité, parler du prochain défi sportif et humanitaire pour Aventure en soliDaire, plus les rencontres prévues d'avance.
Mais cette fois-ci, l'aventure est un peu différente. Toutes les étapes sont programmées d'avance, et je ne dors pas sous tente. Je serai accueilli chaque soir chez les membres de WarmShowers, ou CCI (accueil style couchsurfing spécialisé pour les cyclistes). Une autre manière de faire des rencontres. A l'exception d'un soir, je serai pour tous mes hôtes le premier cycliste qu'ils vont accueillir. Chaque formule a ses avantages (et ses inconvénients), mais les deux sont sources de découvertes et de rencontres.
Bilan :
719 kms / 5 482 m Dénivelé + / 43 h 23' de pédalage
Pas une goutte de pluie de tout le voyage, 3 kgs de perdus, du vent de face jusqu'à Neuchâtel.
Coût global : 18 € + 25 € de transport (dont 10€ pour le vélo - retour en partie en TGV).
Un énorme merci à tous ceux qui m'ont accueilli le long de cette route, c'était un délice d'être attendu chaque soir.
(Il y a quelques liens vers des blogs et sites dans le texte)
Samedi 1er Juin
Montélier - Grenoble : 94 kms / 5h53' / D+ 539m
10h30, après un faux départ (retour à la maison pour des objets oubliés, dont le billet de train…), me voilà de nouveau sur la route pour une petite aventure.
Partir…
Se retrouver à nouveau seul pour des temps de rencontre avec soi-même et avec les autres. Dès que l'on est sur le vélo, en sachant que cette "échappée" va durer une semaine, l'état d'esprit n'est plus le même. On rêve, on réfléchit. L'allure du vélo relativise le rythme de la vie quotidienne, et les heures s'écoulent plus lentement, mais plus intensément. On devient par exemple un témoin privilégié de la vie qui se déroule le long de la route dans les villages traversés, quand on arrive à éviter les "nationales" (ou "cantonales" pour les suisses, si j'ai bien compris…)
Mais alors que j'avais avancé à peine de 5-6 kms, mes pensées sont brusquement arrêtées. Rien de grave. Je croise simplement 3 cyclistes, dont un à vélo couché, qui, je le découvre, n'habitent pas très loin de chez moi. Petits échanges sur nos pratiques et sur le vélo couché. Et puis une réflexion tombe : " Ta femme te laisse partir comme ça ? La mienne a râlé ce matin parce que je faisais une petite sortie…" Désolé l'ami, de ce côté-là, pas de soucis. Elle me soutient à fond, il faut juste s'y prendre à l'avance et négocier les absences…
Direction Grenoble, où Albane et Benoit m'attendent pour la nuit. Des voyageurs plus expérimentés que moi. Ils sont partis 14 mois en Asie en 2010. Leur voyage, ils en parlent aujourd'hui comme si c'était hier, avec passion et nostalgie. Je vois encore dans leurs yeux la flamme qui brille et leurs souvenirs bien présents me font partager leurs mois passés dans ces différents pays. La plupart de ceux qui se lancent dans ce genre d'aventure n'ont qu'une envie : repartir.
Et ce soir-là leurs amis Linda et Jérôme fêtaient leur départ en voyage pour 1 an en Asie (à vélo, train et bus, avec 2 petits enfants). Leur voyage s'inscrit aussi dans un projet solidaire, car elle s'occupe d'un magasin de commerce solidaire et centre de rencontres. Ils vont réaliser un documentaire sur les artisans fournisseurs et les consommateurs, pour la promotion du commerce équitable.
J'étais aussi de la partie puisqu'ils m'ont invité à la fête tout simplement. C'était la fête des cerises (mais sans les cerises cette année - allez comprendre pourquoi), une tradition depuis quelques années dans leur jardin de ce quartier tranquille.
Ce premier jour s'est bien déroulé, même si mes cuisses sont un peu fatiguées après l'entrainement dans le Vercors hier soir. 600m de dénivelé en courant… Mon record sur le GR Peyrus - Pas de Touet (35 mn). Il faut bien que je me prépare pour les Drayes du Vercors, un trail de 60 kms, prévu une semaine après mon retour.





Dimanche 2 Juin
Grenoble - Aix-les-Bains : 88 kms / 5h23' / D+ 600m
Il est parfois bon de recharger ses batteries. Surtout en voyage comme cela, pour ne pas subir la "fringale" du cycliste, ou tomber en hypoglycémie. Alors il faut veiller au plein de glucides, et profiter d'un bon sommeil. Mais ce n'est pas tout. Nous avons aussi besoin parfois de recharger nos batteries morales, existentielles et relationnelles, sous peine de subir un passage à vide. Alors comme c'est dimanche, j'en profite pour m'arrêter dans un église et faire le plein d'énergie spirituelle.
Ce matin j'ai eu encore un peu de mal à ranger mes sacoches. Je ne suis pas toujours parfaitement ordonné, et je ne suis pas dans la tendance minimaliste à voyager avec peu de chose. Je ne trimbale pas non plus mon atelier mécanique ou ma chambre à coucher avec moi, mais le rangement des sacoches est tout un art. Et il faut se souvenir où on a rangé le tube de miel dont on a soudainement besoin, et les chaussettes (propres si possible) que l'on veut mettre aujourd'hui, sous peine de devoir tout ressortir. Ca ira mieux au bout d'une semaine. Est-ce le temps qu'il faut pour entrer pleinement dans un voyage ?
J'essaie de me faufiler dans les rues de Grenoble, peu fréquentées ce dimanche, pour rouler en direction de Chambéry. Je découvre une piste cyclable le long de l'Isère, qui est un chemin de terre (en travaux) et ensuite une déviation. Je me retrouve alors sur la route principale ; pas de poids-lourds, peu de monde, et c'est tant mieux. Je cherche désespérément un endroit pour acheter quelque chose à manger, mais c'est dimanche et quasiment tout est fermé. Finalement un sandwich (quel sandwich !) me sauvera la vie. Le soleil est revenu, mais le vent est bien présent. De face. Il ne me quittera pas jusqu'à Neuchâtel. Parfois violent. On se croirait dans la Drôme avec le mistral. Donc ma moyenne va en prendre un coup. Je me demande si j'arriverai à l'heure… mais je préfère quand même le vent à la pluie.
Dans l'après-midi j'appelle mon ami Eddie qui doit venir me rejoindre sur la route. Quelques kilomètres plus loin nous nous rejoignons près du lac du Bourget. Alors on évoque tous nos vieux souvenirs, datant maintenant de quelques années (pratiquement 15 ans), et notre dernière folle virée en VTT en Savoie. On était jeunes… Nous croisons par hasard un de ses amis en vélo couché.
Et je retrouve chez lui mon premier "vrai" VTT, qu'il m'avait racheté. Je ne m'en souvenais plus...
Après une magnifique ballade bucolique le long du lac, nous voici arrivés à destination à Aix-les-Bains. Un délicieux plat de lasagnes au saumon (merci Frédérique) servira à compenser la dépense de calories. Et puis la soirée se terminera en regardant mon montage.







Mon premier "vrai" VTT
Lundi 3 Juin
Aix-les-Bains - Genève : 87 kms / 5h34' / D+ 1166m
Aujourd'hui j'avais envisagé un rendez-vous, mais je n'avais pas eu de confirmation. Après un coup de fil avant le départ, le rendez-vous est pris, et je dois donc filer sur Annecy. Comme je ne peux finalement pas arriver avant midi, je flâne et je mange au bord du lac. Endroit féérique, comme si les montagnes formaient un écrin pour protéger les eaux translucides de cette étendue. On resterait là des heures. Petits échanges avec des motards présents sur les lieux. Surprise ! Ils viennent de la région où je dois aller en Août pour une conférence, et connaissent le festival. Ils m'assurent qu'ils seront présents…
Direction les hauteurs d'Annecy pour me rendre au siège Europe de Patagonia. La marque a été un de mes sponsors en 2012, et j'espère bien qu'ils vont renouveler l'opération. Je suis venu leur présenter le nouveau défi. C'est une entreprise qui a déjà un programme environnemental, car ils consacrent 1% de leur CA à cette activité, et s'attachent à encourager des pratiques de travail équitable, ce qui détermine leurs fournisseurs. Après quelques échanges, le partenariat est reconduit pour 2014. Merci Patagonia !
Mais je suis attendu à Genève le soir, et il ne faut pas traîner. Je découvre sur la route qu'il y a quand même un col à 800m. Avec le vent de face….
Arrivée chez Ben pour la soirée. Il a invité des amis pour le repas, et ensuite nous avons l'opportunité de regarder le montage. Et les questions fusent. Mais j'ai un peu l'air d'un apprenti à côté des voyages qu'il a fait, lui et certains de ses amis. J'ai encore tant à découvrir… Merci pour la convivialité et l'amitié.
Ben est professeur et s'occupe, entre autres, d'organiser des voyages avec ses élèves pour des opérations humanitaires. La dernière était au Viet Nam. Bravo !
Plus je noue des liens dans ce milieu, plus je me rends compte que la plupart de ces cyclistes voyageurs ont une conscience solidaire et écologique plus développée que la moyenne. Est-ce que rouler à vélo ouvrirait l'esprit et faciliterait la prise de conscience de certains problèmes ?
Certainement. C'est un choix de vie et un choix de société. On réalise par exemple que prendre sa voiture n'est pas une fatalité. Et par voie de conséquence qu'on n'est pas obligé d'aller toujours vite pour faire les choses, qu'on peut vivre parfois au rythme du vélo et en plus, sans polluer.
Une grosse journée m'attend le lendemain, mais je ne me couche qu'après minuit. La soirée a été longue, et il faut encore vérifier les emails et le programme.





















Mardi 4 Juin
Genève - Yverdon : 101 kms / 6h08' / D+ 724m
Réveil (sans réveil) à 5h15. Départ un peu plus tard sous le ciel complètement couvert de Genève, le long du lac. Une ville qui s'éveille doucement, mais je n'aurai pas le fameux jet d'eau du lac pour me guider.
Hier j'ai pris un méchant coup de soleil sur les tibias. Je m'étonne que ma femme n'aie pas prévu la crème solaire… Je crois qu'elle s'est résignée devant la météo de ces dernières semaines.
Une longue journée m'attend. 4 rendez-vous. Premier arrêt à Ecublens (pour les français, on dit "écublanc") vers 11h. J'ai rendez-vous avec notre nouveau partenaire humanitaire : l'ONG MEDAIR. Après une visite détaillée des bureaux de leur siège international, je suis invité autour d'un repas à partager mon nouveau défi, et nous discutons des possibilités d'un projet à soutenir. Décision dans les semaines qui viennent. Ces gens relèvent des défis plus fous que moi pour des milliers de personnes, et je suis fier de pouvoir à mon tout petit niveau les aider dans leurs projets.
Direction Yverdon. Rendez-vous avec un journaliste, puis un fournisseur de mon travail, et enfin préparation de l'enregistrement vidéo du lendemain. Courte séquence de prise de vues sur le port de Grandson.
J'arrive chez mon hôte de la nuit, un véritable fou du vélo, et surtout de VTT. A tel point qu'il en a fait son métier durant 4 ans : coursier à vélo. Et Guillaume a même fait partie de l'équipe nationale de VTT Suisse ! D'ailleurs, une pièce de son appartement est consacrée à l'atelier vélo. Nos échanges et discussions sur la conscience sociale écologique (vous vous souvenez de mes remarques sur les cyclistes - encore une confirmation) nous mènent tard dans la nuit, ou plutôt tôt le matin.
Le lendemain je me retrouve seul dans l'appartement, car lui et sa copine partent très tôt au travail.






Mercredi 5 Juin
Yverdon - Neuchâtel : 56 kms / 3h35' / D+ 325m
Après le jogging matinal à 7h00, préparation de quelques affaires et direction le studio de MimaVision pour l'enregistrement d'une émission TV destinée au satellite et au web. Puis rendez-vous à 13h avec un vieil ami avec qui nous évoquons l'avenir de la musique, et ses activités en Afrique.
Petit parcours pour rejoindre Neuchâtel le long de la piste cyclable. La Suisse est un pays intéressant pour les voyageurs à deux roues. Il y a de nombreuses voies cyclables et bien signalisées en général.
A un feu rouge, une cycliste m'adresse la parole et nous continuons à rouler en discutant. Au fur et à mesure de la conversation, nous nous découvrons des connaissances et amis communs. Et il se trouve que sa voisine a de la famille arménienne (voir aventures 2012). Je suis alors invité à m'arrêter chez elle. Petit détour. Je rencontre la voisine et là, surprise : elle connait bien la belle-famille de ma fille, et son mari est une de nos relations professionnelles. C'est toujours impressionnant toutes ces rencontres le long de la route, qui ne tiennent qu'à .. un feu rouge ou vert.
Je suis attendu chez Christophe, et ses 6 chats (1 couple et 4 mignons petits). Nous sommes rejoints par un autre contact du site WS avec qui nous partageons le repas. Des discussions passionnées et passionnantes sur nos voyages et expériences respectifs. Sarah et Romain avaient tout largué (travail, appartement, etc.) pour partir sur les routes du monde. Pendant plus d'un an. Les pédales les démangent déjà. Ils en ont marre de la routine et rêvent de dévorer les pistes du globe, à la recherche d'un bonheur au quotidien. Quant à Christophe, il rêve de repartir loin de sa Suisse.
Mais la réalité nous ramène à Neuchâtel, et il faut reposer nos corps fatigués.











Jeudi 6 Juin
Neuchâtel - La Chaux-de-Fonds : 46 kms / 3h58' / D+ 1020m / D- 510m
Après un lever matinal, petit jogging dans la forêt toute proche à 6h30. Quel bonheur de traverser ces sentiers et chemins déserts, dans la fraicheur du matin, avec le soleil qui essaie vainement de percer l'épais feuillage de ces arbres centenaires. Au bout d'une prairie, je découvre une petite abbaye, et une ferme. Havre de paix complètement hors du temps alors que quelques centaines de mètres plus bas, la vie trépidante et stressante d'une nouvelle journée comme les autres a repris pour beaucoup. Je me délecte de ces sorties matinales, accompagné par le chant des oiseaux qui s'éveillent, et le bruissement des feuilles encore toutes humides des pluies de ces derniers jours.
Christophe m'a dit que les forêts de Neuchâtel recèlent la plus grande concentration de tiques en Europe. Et il me rapporte les histoires terribles de gens qu'il connait, ayant subi la terrible maladie de Lyme transmise par ces bestioles (paralysie, etc.). Il m'a recommandé de m'asperger d'un répulsif spécial antitiques développé par des scientifiques de l'université de Neuchâtel. Je ne me fais pas prier… Mon fils avait été atteint par cette maladie, heureusement soignée à temps, il n' a donc pas eu de séquelles. Merci Christophe pour cette délicate attention et pour la dégustation des bons chocolats suisses.
Direction La Chaux-de-Fonds pour l'avant dernière étape - déjà. Comme j'ai le temps, je mets à jour le blog et je pars tranquillement par le chemin des écoliers. Mais il y a une montagne à gravir. Je ressens un petit manque d'énergie, mais je n'ai rien de consistant pour le repas, et maintenant tout est fermé. De toute façon ce n'est pas dans ces petits villages suisses où il y a une ferme et quelques maisons que je trouverai à manger. J'avance donc, tant pis : je m'arrête finalement vers 15h et j'engage la conversation avec la dame qui tient l'épicerie où je fais quelques courses. Elle connait bien la ViaRhôna, où elle a roulé récemment ! Elle va aller faire un tour sur mon site.
A un moment, je suis arrêté à un passage à niveau, et je voudrais avoir confirmation de la direction, hésitant sur la route à prendre. Je vais à reculons vers le rutilant 4 x 4 à quelques mètres derrière moi. Celui ci ne bouge pas d'un pouce. Quand j'arrive à la hauteur de sa portière, la petite jeune femme au volant daigne enfin descendre sa vitre pour que je lui pose ma question. "La route de la Tourne, c'est bien par là ? - Oui, au bout vous tournez à gauche". Mais sur la carte consultée avant de partir, la direction me semblait plutôt à droite. Alors je repose la question, et elle me répète "Oui, vous tournez à gauche" et en même temps, elle me fait signe de tourner à droite avec sa main droite ! Bon, elle est blonde… Y aurait-il un lien avec cet étrange comportement ?
Balade magnifique dans les vallées suisses, sous un soleil presque de saison. Avant d'arriver au lieu d'hébergement, je passe par le centre ville pour aller visiter un magasin client. Ils ne doivent pas avoir souvent la visite de leurs fournisseurs dans un tel accoutrement...
Puis j'arrive avec grand bonheur chez mon ami Rija et sa femme, qui m'accueillent les bras ouverts. C'est toujours un plaisir de croiser la route de ce grand artiste, et de son épouse si discrète. Mais quel exemple, quelle générosité, quelle simplicité malgré sa notoriété.
Là aussi j'ai l'occasion de proposer le visionnage du montage de mon voyage. A chaque fois que je revois certaines photos ou raconte certaines rencontres, je suis rempli d'émotion, parfois incontrôlable. Pourtant je les ai déjà vues des dizaines de fois, et j'ai raconté certaines de ces histoires assez souvent maintenant… Mais ces moments ont marqué ma vie.


























Vendredi 7 Juin
La Chaux-de-Fonds - Belfort : 98 kms / 5h19' / D+ 720 m
Le lendemain mes hôtes me confient les clés du domicile pour me laisser partir à mon heure. Journée tranquille où je pourrai avancer à mon rythme, et faire des pauses et des photos. Alors que je me préparais à quitter l'appartement et la vue magnifique surplombant la ville, je reçois un coup de fil. "Bonjour, ici l'Est Républicain. Vous arrivez à quelle heure sur Belfort, on peut faire une interview ?"
Raté pour la tranquillité. Enfin je l'ai cherché, puisque j'avais envoyé des communiqués de presse… Alors il va falloir limiter les pauses pour honorer ce rendez-vous avec la journaliste. Ca commence bien : un longue descente qui me mène dans la vallée du Doubs me permet de battre mon record de vitesse avec ce vélo chargé : 78 km/h… Et parfois je me penche tellement dans les virages que les sacoches râpent le goudron (je vous rappelle quand même que c'est un vélo couché).
Petite halte au bord du Doubs à l'ancienne douane de Biaufond. Quel calme, seulement troublé par les quelques rares véhicules qui traversent ce pont, et des touristes perdus dans cette campagne profonde.
Je resterais des heures à regarder l'eau qui passe. Ce mouvement de l'eau me fascine, que ce soit l'écoulement paisible d'une rivière docile, ou les vagues qui s'écrasent sur les rochers à la mer ; le spectacle est perpétuel, mais ce n'est jamais le même tableau : tout se renouvelle à chaque seconde. Mais l'impératif du programme m'arrache douloureusement à cette pause bienfaisante.
Une quinzaine de kilomètres avant Belfort je suis rejoint par mon hôte du soir, Danielle. Une cycliste expérimentée qui a fait la vallée de la Loire toute seule tout récemment, et à la période où la pluie s'en donnait à coeur joie. Parce qu'il y a eu autre chose que de la pluie ces temps derniers ?
Nous arrivons à l'heure prévue au lieu du rendez-vous. Quelle n'est pas ma surprise quand je vois mon nom sur une plaque à l'adresse du bureau du quotidien...
(voir l'article)
Puis le soir, raclette au soleil, au pied de cette ancienne maison du centre de Belfort, au bord de la Savoureuse, la rivière qui traverse la ville. Enfin quelqu'un qui défie les habitudes… Ma femme prétend qu'on ne peut pas manger de raclette ou de fondue en été, car c'est c'est un plat d'hiver. Mais il faut savoir dépasser ses paradigmes. C'est comme ça qu'on relève des défis et qu'on accomplit ses rêves. Sinon on reste enfermé dans nos propres affirmations et dans les limites que nous nous imposons, sans réaliser que le bonheur est peut-être juste au-delà. Alors mangez de la raclette en Août (et invitez moi…).
Savoureuse est aussi l'ambiance bon enfant qui semble régner dans la cour de cet immeuble où tous les voisins vivent proches les uns des autres. Un ancien instit devenu formateur, une contrôleuse des impôts, une chirurgienne roumaine, etc. On dirait que c'est l'ambiance "fête des voisins" tous les jours ici. Une entraide inhabituelle : on partage un repas, on garde le bébé ou les animaux pour une urgence à l'hôpital.
Nous échangeons sur nos expériences respectives, et je découvre que Danielle était une très grand sportive il y a quelques années. Plusieurs 100 kms et marathons à son palmarès. Chapeau !
Finalement nous terminons la soirée en regardant mon montage, entrecoupé d'échanges et de discussions sur des sujets importants, pour se coucher à presqu'île heure du matin.











Samedi 8 Juin - Dimanche 9 Juin : Belfort - Lyon - Montélier
149 kms / 8h13' / D+ 389m
Une longue journée jusqu'au bout de la nuit….
Cela allait être une très longue journée, mais je ne l'avais pas entièrement programmée.
Tout d'abord un jogging autour de l'Etang des Forges. C'est samedi, alors je ne suis pas le seul à courir malgré l'heure matinale. Il y a aussi des pêcheurs, le long de ce parcours de 4 kms. D'ailleurs juste sous mes yeux l'un d'eux capture un gros poisson. N'étant pas spécialiste, je ne saurais vous dire s'il s'agissait d'un requin ou d'un brochet. Peut-être une carpe ? En tous cas il devait faire au moins 80 cm, et ils s'y prennent à deux pour le sortir.
Rendez-vous au studio télé pour l'enregistrement de 2 émissions. Puis le temps de discuter avec les uns et les autres, il est déjà 17h.
Petit arrêt technique pour récupérer des affaires, et direction la gare TGV, dans un no man's land ferroviaire, comme c'est souvent le cas pour ces nouvelles gares TGV à la campagne. Danielle m'accompagne un bout de chemin, avant de me remercier pour ce que nous avons pu partager. Mais c'est moi qui suis confus devant sa générosité. Je repars avec un gros morceau de comté et une boite de cancoillote (vous ne connaissez pas cette spécialité franc-comtoise ?).
Dans cette gare déserte, un homme s'approche, fan de vélo, et nous échangeons quelques mots. Je lui laisse un document sur mes aventures. Le lendemain, je reçois un email de sa part. Il a consulté le site et il se trouve que nous avons des relations communes, des amis musiciens avec qui j'ai joué dans mon jeune âge. Ces rencontres improbables m'étonneront toujours… qui ne tiennent qu'à l'endroit où je me suis senti poussé à m'asseoir.
Le TGV est à l'heure. J'arrive à Lyon Part-Dieu quelques heures plus tard. Il est 23h30 et je n'avais pas vraiment envisagé de suite, c'est à dire un endroit pour dormir. Alors comme je me sens en forme, je me décide à m'installer sur mon vélo-couché. De toute façon, j'ai mon sac de couchage au cas où. Et ce sera finalement une balade sur la ViaRhôna toute la nuit jusqu'à l'arrivée chez moi à 8h15. Quelle expérience ! Je n'avais encore jamais vécu ce genre d'aventure. Après une traversée de Lyon by night, je trouve la voie qui mène à la ViaRhôna. Je croise quelques personnes dans un état assez joyeux qui m'interpellent "Et toi, qu'est-ce que tu fais là ?" Effectivement, on peut légitimement se poser la question à plus d'une heure du matin, même sans être complètement imbibé…
Les heures défilent et la route aussi. Heureusement que je commence à connaitre l'itinéraire de la ViaRhona. Sans quoi je me serais égaré plusieurs fois dans ce parcours de nuit. Une ambiance particulière que de rouler dans la nuit, avec en toile de fond les lumières surnaturelles des villages, maisons, usines, créant parfois des paysages surprenants et imaginaires. Est-ce la fatigue ou l'imagination ? Quelquefois on croit voir un incendie, ou un feu d'artifice, d'autres fois on se croirait plongé dans l'ambiance d'un film. Tout est différent. Vers 4h00, je m'allonge quelques minutes à même le goudron. Je sens l'humidité. Et là tout un tas de souvenirs remontent, de ce que j'ai vécu lors de la Diagonale des Fous à la Réunion. Je me revois à courir durant ces nuits sans fin, où chaque pas était une victoire pour atteindre la ligne finale. Ambiance démentielle, course hors normes. Quand je me relève au bout de cinq minutes, je me sens exactement dans l'état où j'étais après ma première heure de sommeil à La Réunion, au bout de 2 jours de course, mais en moins pire : l'impression de revenir dans le monde réel, après quelques secondes pour réaliser où je suis. Je n'aurai l'occasion de bailler qu'une seule fois vers 5h00, au moment où le jour commence timidement à poindre, dans le concert des oiseaux qui nous invitent à nous réjouir de cette nouvelle journée. Aucun cycliste croisé le long des ces 130 kms ! Bizarre… Par contre, j'ai dû ralentir à plusieurs reprises pour éviter nombre de crapauds et d'escargots traversant la voie. Ils ont envie de se suicider ou quoi ? Pas de "passage piéton" prévu pour eux sur la ViaRhôna. On va faire une pétition.
Le plaisir que j'attendais, c'est déguster quelques viennoiseries assis au bord du Rhône, dans la fraicheur et la solitude du matin. Ce sera chose faite à Tain l'Ermitage, au pied des vignobles réputés, juste avant mon retour au bercail.
Je voulais rentrer à temps pour une fête avec la famille et des amis ce jour-là. Alors avant de les retrouver pour midi, je fais une petite "sieste" (bien méritée ?) à la maison.
























